ne pleure plus // horla

horla x calu

et ta première larme, le caniveau l'a bue.
ça n'était qu'une larme, ça n'était qu'un début

Mais qu’est-ce que tu fais là, toi, belle jeune fille ? Tu devrais pas faire cette tête ? C’est pas le moment d’être triste, il faut sourire, il faut faire comme si.

Et puis elle s’est arrêtée de se parler à elle-même, de l’autre côté de ce qui les sépare, et elle a baissé la tête.

Qui es-tu pour dire ça ? N’as-tu pas déjà pleuré ?

Calu, elle a déjà baissé la tête, regardé ses pieds en pensant à elle. A ce jour, aux jours d’après, pleurant les jours d’avant. Elle s’en souvient, elle ne veut plus y penser. Elle veut anesthésier la douleur, ne plus l’entendre, ne plus la voir ni la sentir. Elle y est arrivé.
Elle la connait, elle a vécu sous sa peau. Mais elle en a surtout fait sa force, elle l’a transformée. Elle l'a transformée. En parlant de la douleur, en parlant d'elle-même.

Mais t’es qui pour penser, imaginer, la raison de cette tristesse apparente ? Personne, retourne chez toi, rentre chez toi, dégage et arrête de faire comme si.

C’est à son tour de baisser la tête, de sentir la peur, un sentiment étrange dans son estomac.
Qu’est ce qui est plus fort ? Elle, ce sentiment ?

J’aurais voulu que l’on m’aide.

Et puis elle s’est approchée, elle s’est assise à côté de cette belle blonde. Puis, elle a regardé où elle était assise quelques minutes avant. Elle s’est vue venir s’asseoir, elle s’est revue. Et lorsque l’instant est passé, elle a enfin parlé.

- Ca passera, t’as l’impression que c’est une montagne, mais demain ça sera une colline et juste après ce sera juste une plaine.

et puis, parfois, elle a l'impression que tout s'arrête, que le monde se passe parfaitement d'sa présence, inutile, va-t-en sale gosse, qu'est-ce-que tu fous là. parfois, elle entend les vapeurs au-dessus d'elle, des barbapapas blanches ou grises, violettes ou même oranges quand le soleil s'en va le soir, lui jeter les pires des insanités, les mots les plus sales et les plus noirs, des corbeaux nuits qui lui volent à la gueule, encore et encore, (pour) toujours.
une goutte, et puis deux, créant un petit fossé dans la terre, et puis des milliers, elle sait plus compter, elle a tout oublié. (sauf les papillons d'eden et l'envolée sauvage de maman) des "putains" un peu malpolis qui s'échappent de la prison de ses lèvres, comme des horla-lois.
et puis un mouvement de tête, elle voit un soleil, ou les plus belles des étoiles emboîtées sur un mètre soixante-dix de lumière, enfin elle sait pas, un truc du genre. et puis horla réalise, horla cligne des yeux, horla voit un peu flou, elle voit deux billes qui brillent en apesanteur, un océan dans lequel elle aimerait bien se baigner. une mer chaude, des vagues taquinant ses joues adolescentes, les lèvres qui piquent au contact du sel, une grosse étoile qui brûle ses cheveux blonds-blé. horla n'a même pas le temps de voguer quelques instants dans les marées profondes qu'un murmure (de fille, pas des vagues) vient rassurer ses oreilles assourdies par le silence.

le soleil il (elle) parlait de montagne et de colline, elle lui disait que ça allait passer.

des émotions, des papillons, des jolis oiseaux.
pouf abracadabra,
la sale gosse voit clair.
ça y est, y'a des couleurs arc-en-ciel, et des paillettes, et puis de la barbapapa grise.
et les deux océans, elle les fixe, les yeux assez ouverts pour distinguer chacun des traits de la jolie blonde qui s'était assise à ses côtés. épuisée par la vie comme elle peut-être. horla sèche ses larmes à l'aide de son avant-bras, et revient aussitôt s'enivrer de la douce enfant qui se tenait à côté d'elle.

- on se dit toujours ça, j'me dis toujours ça, mais chaque fois que j'essaie d'remonter la pente, à chaque fois qu'un peu d'espoir s'présente à moi, je finis au pied de la montagne. toujours toujours toujours.

la sale gosse ne connaissait pas la jolie blonde. (une nouvelle peut-être) et la jolie blonde ne connaissait sûrement rien de la sale gosse. à quoi bon se taire, si ça se trouve, la paranoïa la faisait délirer, lui faisait voir des couleurs pastels et fluorescentes en même temps, et peut-être qu'un vieux routier venant faire sa pause par ici semblait être une jolie blonde de seize ans ou presque à ses yeux un peu mort morts.

- j'en ai marre de tomber, et de m'écorcher les mains, de m'faire des bleus au cœur.

une goutte, la millionième peut-être, s'écrase comme une conne sur la terre poussiéreuse. horla baisse la tête, horla ne veut pas qu'on la regarde pleurer, elle se recoiffe pour faire en sorte qu'une mèche dorée cache le fruit de sa douleur.

- tu es déjà tombée du haut d'une falaise toi ?

gamine aux métaphores foireuses.

Luca l'a regardé qu'une seule fois, juste pour être sûre, pour avoir un vague dessin du visage de son interlocuteur. Mais elle ne voulait pas bloquer sur l'eau qui a coulé sous ses yeux, elle ne voulait pas la mettre mal à l'aise. Elle ne voulait pas, non, non. Après ça, après l'avoir regardé en bougeant les lèvres, elle s'est mise à regarder l'ailleurs. Le devant, ce qui leur fait face. Le joli petit paysage.

C'est un bel endroit que tu as là, petite enfant. Tu as du goût, fait moi visiter.

Elle avait raison, l'inconnue ne veut pas que ses larmes soient repérées. Elle les essuie.

Tu devrais avoir des mouchoirs dans ce genre de situation. Petite tape sur le haut du crâne. Réprimande.

Elle parle.

Un peu, beaucoup. Elle me répond. Joie, sourire sur mon visage. Je ne suis pas un immeuble en béton, de l'asphalte, dans une forêt. J'suis un arbre, de l'herbe, des fleurs dans leur élément. J'sens mon coeur se réchauffer, se remplir de bonheur, malgré les larmes, malgré la tristesse ambiante.

Je l'écoute, attentivement, je souris, de plus belle, au fil de ses virgules, de ses respirations, de chaque conjugaison et chaque point. Je respire à son point d'interrogation. Je réfléchis. Je m'arrête. Je baisse, même, la tête.

- Reste en bas, alors. Attend que tout se tasse. T'auras beaucoup moins mal. Attend.

La tête de Calu se met à bouger en rythme. Quel rythme ? Celui du monde, certainement. Celui de sa réflexion. Elle bouge doucement, c'est sûrement imperceptible, elle a l'impression qu'elle seule le remarque. C'est surement mieux comme ça. Elle approuve surtout ses mots.

Sa tête se relève, elle la positionne dans l'axe du soleil. Elle devient aveugle. C'est peut-être mieux.

- Une fois.

Un seul souffle, douloureux. Sourire envolé.

je l'appelais la sirène. attendez, j'ai plusieurs sirènes maintenant. nicola la rivière, et la jolie blonde le bourgeon-soleil. ali pourrait être alors mon triton-flammes-de-l'enfer, et eden ma nymphe-bulle-d'air ?
et puis le paysage, de la fumée qui s'en va des cheminées, de la fumée sale et crade qui fait mal à l'ivoire suspendu au ciel. est-ce-que je suis une fumée sale ?

j'en ai marre d'être de trop.
du c dans l'o²,
une tâche noire sur le papier vierge,
un coup de pinceau rouge vif sur un chef-d'oeuvre.
j'en ai marre de tout gâcher,
de voir les sourires se retourner,
de voir les joues briller à cause de cette putain d'eau malsaine,
~~de voir que les gens s'en foutent de moi,~~
j'en ai marre, tu sais,
des pervers qui s'prétendent docteur,
susurrant de beaux mots trompeurs,
pour ainsi gagner notre cœur avant l'heure,
jupe retournée, sentiments décimés, elle pleure,
car horla a eu la maladresse d'avouer sa peur.

sa peur d'être sans elle.

poésie pourrie que j'essaye d'apprivoiser, emboîtant des mots-douleur à des mots-malheur, plaçant un point-virgule ; je n'sais pas à quoi il sert, mais ça fait poète un peu torturé, une cascade qui s'échappe d'une falaise, ou les perles diaphanes qui coule sur l'épiderme ;

rester en bas. attendre que la mort nous rattrape.
un sourire translucide sur mon mauve trop morne ; (point-virgule cascade-douleur)
et je remarque que ses lèvres sont étirées en un merveilleux sentiment . (point, sans cascade ni pleurs)

- peut-être. mais si je reste en bas, je serais bloquée, avec des points-virgules, des méchants points-virgules, avec des grosses virgules. j'pourrais jamais oublier. je veux oublier. je veux remonter. peu importe si je me pète la gorge, si je me pète les genoux. j'veux oublier sa mort. ou vivre en me disant qu'elle est toujours vivante, sans jamais repenser à ce qui s'est passé y'a six mois. tu crois que c'est possible jolie sirène ? tu es restée en bas toi ?

plus les mots s'enchaînaient dans ma bouche, plus mon regard se tournait vers les océans de ses yeux (les plus beaux du monde, après ceux d'eden), plus les cascades grouillaient au coin de mes billes mortes. incompréhensible pour la sirène aux bourgeons-soleil. des points-virgules, des mères mortes, et des rotules pétées. elle ne comprendra pas, c'est inutile de s'acharner.

- pardon, tu dois me prendre pour la pire des folles avec mes points-virgules et mes questions sans intêret.

et puis, deux mots aussi morts que mes yeux viennent siffler dans tes oreilles comme le chant d'un corbeau noir.

"une fois"
comme moi.

- raconte-moi.
curiosité piquée.

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