Danse mes rêves, notre vie... (Sahar)

Je rêvais...

J'étais seul face à une page blanche, première d'une longue lignée constituant un nouveau chapitre, de notre histoire à elle et moi. Mais, je ne savais pas pourquoi... Quelque chose n'allait pas. Tout n'était pas aussi beau, aussi lisse qu'à l'accoutumé, il me manquait elle, son élan, son souffle, les images qu'elle me gravait dans ma tête. Alors, je l'aperçue, Sahar, elle était là, enfin je ne voyais que son ombre, sa silhouette dans la nuit noire. Je l'aimais bien elle était douce, elle essayait d'être ce qu'elle n'était pas... Pour me faire plaisir, m'aider, je ne savais pas... Il faudrait que lui demande un jour... Peut-être... De toute manière, actuellement rien n'était clair, définit, je vivais seconde après seconde sans me soucier de celle qui suivrait. À trop regarder le passé, le présent m'avait déjà volé des proches et le futur des années d'existence à rêver. Ainsi maintenant, je préférai leur accorder plus d'importance... Délaissant le passé à une place ultérieur, je n'avais plus le temps pour les souvenirs, pour les choses qui me faisaient mal... Préférant largement plus le bonheur, promis par le temps à venir. Mon temps, notre temps, aux autres et à moi-même à mes connaissances. Souriant à Sahar, que je voyais s'approcher je l'abordais :

Ah te voilà, je pensais justement à toi.

Nouveau sourire, plus timide, plus gêné aujourd'hui... Je me doutais qu'elle savait ce que j'allais lui demander, qu'elle allait essayer, avant d'échouer, à nouveau... Mon demi sourire n'arrivant pas à effacer sa peine...

Tu ne voudrais pas m'aider, je suis coincé, j'ai besoin de voir les images pour pouvoir les décrire... Je te raconterai une histoire, à toi de la danser, de la rêver, d'être elle, la fille de l'histoire, que je puisse continuer à la faire exister pour vous... Pour vous conter et peindre ces histoires que vous aimez tant. Enfin si tu le veux, je ne veux en rien te forcer...

Calme toi Sole, calme toi. Reprends ton souffle t laisse là s'exprimer. Elle est encore jeune tu sais, il faut lui laisser le temps, lui en donner même. Partage ce bien si précieux, pour la permettre d'évoluer, pour que vous évoluiez ensemble... Comme si rien ne c'était passé, comme si vos différences n'existaient pas... Juste un instant du moins.... Une simple fraction de seconde, le temps d'un courant d'air.

Un, deux, trois.
Gravir la colline d'un pas léger. Gravir la colline comme on serpente entre les rêves.
Un, deux, trois.
D'une main, effleurer le blé haut qui chatouille l'épiderme, réveille la peau qui, dans le noir-nuit s'éveille, s'étale, déborde du corps, ressent le sol et le ciel.
Un, deux, trois.
Chercher une âme qui saura souffler sur la fumée qui m'entoure. Je suis fille-fumée puisque aucun costume ne semblait à la taille de mes désirs cette nuit. Être soi en pointillés.
Un, deux, trois.
Guetter le chant d'une chouette, le craquement d'une branche abandonnée, le cri d'une pierre que j'écrase, distraitement, sans même vouloir lui faire de mal.
Un, deux, trois.
Devenir le feu-follet qui crépite dans mon crâne, dans mon ventre, qui me guide, je ne sais où, je ne sais pourquoi. Et, suspendre mes gestes quand sa voix résonne. Boum. Tout comprendre, d'un coup. Sa voix, là. Juste à côté. Sa voix qui me dit, tu habitais mes pensées, je t'y avais dessiné une maison juste assez grande pour toi, une petite cabane à la taille de tes bras, de tes jambes, un abri pour la nuit, dans le chaud de mes pensées. D'accord : sa voix qui ne dit pas ça. Mais son souffle, son sourire qui allume ces mille idées dans mes yeux d'enfant émerveillée. So-le-dad. Soledad me laissera hanter sa nuit, Soledad voudra bien souffler ma fumée – l'aspirer, peut-être, se nourrir de mon flou pour me dessiner le plus beau des costumes, me raconter une histoire, belle histoire, de sa voix, de ses mots, de sa vie, qui palpite, doucement, à chaque point, entre les virgules, dans une respiration. Soledad voudra bien.
Je souris.
Je souris-léger, je souris-nuit-d'été, je souris-à-l'endroit, je souris comme on quémande une nouvelle part de tarte aux mots, encore chaude d'avoir cuit toute une éternité dans l'imagination d'un homme aux doigts noirs d'encre.
Soledad n'a pas besoin que je dise s'il te plaît pour me proposer une nouvelle histoire.
Comme sur un fil, je m'approche de lui. Comme une ombre, je me glisse entre ses mots. Si je ferme les yeux, j'entends les ciseaux qui claquent, j'imagine le fil d'argent qu'on glisse dans le chas d'une aiguille, le tissu qui bruisse – les idées qui s'affolent.
Je n'ai pas peur.
Rêver pour lui ne m'effraie pas. Danser son inspiration m'émoustille. Je deviens héroïne malgré moi.
Mais. Je cligne des yeux. Une fois deux fois trois fois.
Devenir cette femme-nuages, cette sirène à l'envers, habiter cette enveloppe qui fait briller ses yeux, qui fait battre son cœur, c'est pire, tu sais, que marcher au bord du précipice, que prendre le risque d'offrir son corps au vide.
So-le-dad.
Haussement d'épaule. Moue de gamine. Jouer. Je veux jouer. Je veux raviver l'imagination de l'artiste, devenir sa Muse à temps partiel. Quitte à chuter.
Je veux : l'âme qu'on anime, l'âme qu'on embrase, l'âme qu'on embrasse, l'âme qu'il sculpte entre ses doigts d'un peu magicien.
So-le-dad. Tu sens le courant d'air, sur ma peau, sur ta peau, le vent de rien, celui plein de promesses de l'euphorie d'une nuit étoilée ?
Les yeux qui brillent. Le corps tendu vers inattendu – sur la pointe des pieds.
- Raconte-moi une histoire, je chuchote, raconte-moi une histoire.

Impatiente, insouciante, elle se tient là devant moi. Enfant-nuages, fille fumée, qu'un souffle de vent pourrait effacer pour laisser place à toutes autre choses. Elle trépigne, mais n'ose le montrer, me murmure des jolies mots à mon oreille. Raconte-moi une histoire, comme si cela était une évidence, je souris, un peu de travers, un peu maladroitement. Je ne sais quoi lui raconter, puisqu'en elle je cherchais l'inspiration. Mais à peine cette pensée passée qu'une autre prend sa place, plus rapide, plus efficace... Je suis ailleurs mon histoire se forme, comme dans mes rêves, d'abord les contours puis le remplissage, des couleurs, des odeurs et elle au milieu, flottant parmi les fleurs réunies par centaine pour faire d'elle la plus belle des mariée, une robe de violette et de coquelicot, un voile de poussière et des dentelles en nuages pour la traîne. Une princesse-reine, mariée d'un soir, d'un songe, d'une éternité. Je reprends mon souffle, organise mes idées et commence :

Mariage, je rêve d'un mariage. Une vielle dame a décidé d'unir sa fille aux printemps afin que celui-ci demeure éternel. Le pacte signé, l'enchantement opéré, voilà qu'elle disparaît laissant en unique héritage une tiare en argent. La jeune femme est timide fragile, elle n'ose revêtir sa magnifique robe de fleurs créé pour elle par son époux, ne veux pas mettre ses bijoux signe de son engagement, elle est comme une enfant, elle a peur...

Je plonge mon regard dans le sien afin de l'emmener à mes côtés. Bientôt elle sera cette jeune fille, enfin si elle le veut afin que ce moment éclairé par les rayons de lune soit à jamais immortalisés. Quelques traces d'acrylique sur une toile vierge, un sourire pour illuminer l'esquisse et voilà le tour est joué... Je n'ose continuer de peur de l'ennuyer. Notre jeu est un commun, c'est un échange d'idée, un ping-pong chimérique. Si elle ne me comprenait pas... Si elle n'osait pas...

NON SOLE !! Ne penses pas à cela, fais lui confiance emmène là... Elle est assez forte, enfin tu le crois et cela suffit. De toute manière tu seras son guide. Jamais, au grand jamais tu ne l'abandonnera.

Voilà qu'elle me reparle, ma sirène d'un jour passé. Elle me guide m'aide afin d'aider Sahar à la faire exister. Elle semble l'aimer mon histoire, elle veut continuer à l'entendre , à la voir à travers mes yeux, à travers le corps de ma jolie ballerine. Moi son Quasimodo, elle mon Esméralda. Concrétisation de mes rêves déchus.

Je souffle et reprend quelques brefs instants en un seul soupir.

Les jours passent, tout se prépare, la crainte monte, son cœur s'emballe et voilà le grand jour. Tout explose, elle monte au ciel, en touche les étoiles avant de redescendre vite, trop vite, à s'en briser son corps de porcelaine. Elle a choisi...

Conserver le suspens, ne pas trop en dire, voilà le secret d'une histoire réussie. J'essaye de continuer à la regarder dans la nuit qui se fait de plus en plus profonde sur cette jolie colline. Je n'ose m'approcher, la serrer dans mes bras. Pourtant, j'aimerais tellement, cela me permettrais de partager mes frissons, mes émotions, d'être unis toutes les deux dans un même d'élan fait de grâce et d'amour. Un amour purement platonique, peu d'amour...

Si l'amour existe encore bien entendu.

Il y a comme un instant de flottement. C'est un peu comme si ma fumée venait attraper les cheveux, les cils, les ombres et les creux de Soledad. L'instant qui s'étire joue à l'équilibriste et manque de s'écrouler. Tu ne veux pas, Sole, me nourrir de nouveaux mots, tu ne veux plus, Sole, que l'on joue, tous les deux ? Je ne respire plus.
La nuit est lourde. Elle pèse trois tonnes sur mes toutes petites épaules. J'attends le vent. Le souffle de sa voix pour envoler les peurs. Un souffle de rien – les yeux de l'artiste qui papillonnent, se ferment et s'ouvrent encore, son regard qui se perd, dans un tableau qu'il est le seul à voir, à deviner.
Je trépigne.
Raconte-moi.
Dis-moi les couleurs, les odeurs. Dis-moi si je suis sorcière, si je suis lumière, si je suis grain de sable. Tout mon être est un élastique tendu à l'extrême, qui hésite entre se rompre et décoller, violemment, pour retomber, enfin, dans le tapis de mots de Soledad.
Merci, tu me sauves.
Merci, tu me fais vivre.
L'odeur des fleurs, lourde, m'ennivre doucement. Du haut de ma toute nouvelle timidité, je frissonne, je m'oublie.
Encore.
J'ai une robe verte sous les doigts, une robe de printemps, une robe de bourgeons. Soledad, il faudrait que je fasse un pas en avant, que tu retires mon habit de fumée et que, nue devant toi, tu m'habilles du renouveau que tu m'offres. Tu voudrais ? Je m'approche.
Il trésaille.
Est-ce ma faute ? Je ne dis rien.
Il hésite.
Et continue.
Dénudée sans ma fumée, la robe aux merveilles toujours à la main, je m'efforce de me grandir, de me faire plus grande que moi, d'effleurer les étoiles. Je suis nue, Soledad. Est-ce que tu me vois nue ? Mon âme qui palpite.
L'élastique va rompre. Je vais m'écrouler aux pieds du conteur. Il décide. Je subis.
Sur la pointe des pieds, j'avance.
Moi aussi, j'ai choisi. Et ton regard sur moi, So-le-dad, réchauffe ma peau. Je voudrais savoir de quelle couleur est la robe verte, sur ma peau. Je voudrais savoir si je suis belle en presque femme du printemps. Je voudrais que la nuit se lève sur mon corps de blé, mon corps d'herbe, mon corps en fleurs. Est-ce que tu sais que tu me donnes envie, follement, de fleurs ? Je m'approche encore.
Si je te touche, elle continue, l'histoire ? Je ne te touche pas, je te frôle. Je ramasse un coquelicot, à tes pieds, à mes pieds, entre nous. Une seconde, j'oublie la timidité qui n'est pas mienne.
- Habille-moi s'il te plaît. C'est injuste d'être nue devant toi si ce n'est pas toi qui me déshabille.
Chuchotement, toujours. Parce que la vérité, parfois, il faut la dire à demi-mots. Il faut sauver la magie de présent. Il faut laisser l'histoire couler, comme ça : doucement, tendrement. C'est un papillon, encore chenille. Je suis un papillon, encore chenille.
Glisse cette fleur dans mes cheveux, fais de tes bras la plus belle des robes et dis-moi, encore, cette fille que je ne suis pas, cette femme que je suis, cette princesse que tu aimes.

Qu'elle était belle et fragile à la fois, là devant moi, buvant mes paroles attendant la suite de ma jolie histoire. Nue comme vers, ôtée de sa fumée et attendant telle ma princesse que la robe s'enfile sur son corps chimérique avant d'entrer en noce. Nouveau sourire sur mon visage, je me convaincs de continuer de toute manière si j'ai commencé c'est bien pour avancer et la terminer cette histoire. Sahar serait trop mal sinon, hors je ne veux pas la voir mal, cela me chagrine... Je suis pour le bien et non pour le mal, moi au final. Clin d’œil empli de bienveillance et de malice et j'osais lui répondre :

Tu ne seras pas nue longtemps, la suite arrive... Mais sache que si je te déshabille ce n'est que pour mieux te vêtir ensuite, belle princesse.

Un bref instant de silence salvateur, afin d'organiser les idées qui telles un ouragan se déchaîne dans mon esprit en un pèle-mêle multicolore de couleur, d'odeurs... C'est bon tout était clair, le spectacle pouvait continuer... Je reprenais mon souffle et expirais d'un trait toutes mes pensées tissées en une toile complexe, mais limpide :

Sa décision était simple, elle épouserait le printemps, mais lui demanderait, malgré l'avis de sa noble famille de laisser sa place aux autres saisons. Saisons dont elles choisiraient elle-même les trois épouses, histoire qu'elle ne sentent pas seuls dans ce monde. Que des amies l'accompagnent dans ce si long voyage, qu'est celui du mariage.

J'étais heureux, mon histoire prenait forme; Elle était comme taillée pour Sahar et ses goûts pour la métamorphose. Ma princesse n'auraient ainsi, ici pas un seul rôle à jouer, mais plusieurs, comme elle aimait si bien... Il ne me restait plus qu'à finaliser les portraits, mais pour cela je décidais de suivre ma belle, ses envies, ses idées :

Dis-moi Sahar, ces jeunes filles tu les aimerais comment ? Quelle nouvelles princesses voudraient tu jouer, ? De quel costume désirais-tu te parer ?

D'aussi loin que remontais mes souvenirs ici, je n'avais jamais laissé quiconque choisir pour moi, l'avancé de mes histoires... Mais, ici, tout était différent. Elle était belle, particulière, enchanteresse... Je me devais de lui offrir une place à sa hauteur, mais quel meilleur trône qu'un trône qu'on a dessiné sois-même, selon ses envies, ses idées. Ici, c'était elle l'artiste, la créatrice et moi les petites mains à son doux service.

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