doux, le vent vagabonde sur ta peau, se faufilant entre les hautes herbes de la foret. tu écoutes le silence se déposer peu à peu dans les bras de la nuit. le chant d'un oiseau. puis, plus rien. long soupir faisant danser les fantômes dans l'obscurité.
la cabane dans les arbres. votre petit trésor avec vue sur les étoiles. refuge où l'air est pur, si pur, comme un jardin secret.
vous y êtes presque. sur le sentier qui mène à l'Endroit, tu peux sentir la douce odeur du bois qui le compose. tes mains à toi sur ses yeux à elle, la promesse d'une surprise qui durera éternellement.
elle, elle tremble un peu sous tes doigts frêles.
toi, tu deviens fou, comme un gamin qui découvre la vie pour la première fois.

ton cœur il bat la chamade au rythme de vos pas. le rideau de la nuit est tombé, et pourtant tes yeux arrivent encore à distinguer le chemin sur lequel vos pieds traînent, inlassablement.
l'Endroit est reconnaissable parmi mille autres comme lui. d'ailleurs, il n'y en a pas mille comme lui : tu as fait en sorte qu'il soit unique. des petites lumières viennent orner les minuscules fenêtres de la cabane, elles brillent, comme des lucioles, faisant se reflétter des paillettes sur ses murs. un grand voile a été installé sur le toit pour pouvoir y regarder les étoiles, confortablement.
vous y êtes, devant la grande échelle menant au paradis.
tu retires tes mains de ses yeux.
voilà.

et tout d'un coup, c'est comme si la vie s'offrait à elle.
comme si la nuit lui ouvrait ses bras. autour, il y avait le silence, il y avait vous.
et il y avait l'endroit. apaisé, calme et protégé.
ses grands yeux étaient écarquillés et scrutaient le moindre recoin de la petite cabane. un sourire traversait son joli visage, elle brillait de mille feux. son corps danse presque lorsqu'elle s'élance et grimpe à l'échelle. tu la suis.
une odeur émane de l'endroit, une douce odeur de merveille et d'enfance.
elle court à l'intérieur, elle virevolte, elle se prend au jeu, elle joue le capitaine de son propre navire.
elle veut les voir les étoiles. paraît que sur ce toit du monde, on pourrait presque les toucher, les étoiles.
un à un vous grimpez et vous allongez sur la toile étendue là.

doucement tu t'étends sur la toile, un à un, tes muscles se détendent, tu ne fais qu'un avec le bois sous ton corps. tu la regardes elle, tu guettes chaque parcelle de son sourire, chaque signe de bonheur sur son visage. et tu te dis que ta mission est réussie. lui offrir un peu de magie, un peu d'émerveillement. une illumination, quelque chose de l'ordre du surnaturel.
et tu lèves les yeux vers le ciel, vers cette immensité et cet infini. ce mystère qu'est l'éden. tu tends un bras, comme si tu pouvais toucher les étoiles. comme si tu pouvais arracher un morceau de la toile étendue au-dessus de vos têtes, un bout de paillettes, un bout d'comètes.
respire. souffle coupé devant la beauté du monde.

rien ne pourrait venir briser cet instant qui sonnait comme un moment d'éternité.
rien.
personne.
pas même les animaux qui parlent entre eux, entre les arbres, au fin fond de la foret. 'promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n'y est pas.'
tu aurais aimé avoir ta guitare entre les mains, et lui chanter la nuit, lui chanter les mots qu'on ne dit pas face au soleil. et là, comme une grenade comme une fusée comme un rien, une étoile passe, et se meurt dans une explosion de lumière, au loin. c'est beau comme le monde est beau quand il fait noir.
du bout des lèvres, tu murmures, doucement, d'une voix à peine audible.
ça te plaît ?

- Merci, c'est la plus belle des surprises de l'univers.
ses mots à elle, ils résonnent dans tes oreilles à toi. parce qu'ils sont presque chantés, parce qu'ils sont irréguliers, et parce qu'ils sonnent comme des fragments de délice lorsqu'ils sont murmurés du bout des lèvres. vous êtes là, sur ce toit du monde, comme deux orphelins à la dérive sur leur bateau abandonné, loin, loin de tout. loin du vacarme de la vie, dehors, loin du fracas et du chaos. loin de la violence, seuls face à la douceur de la nuit étoilée.
comme dans une bulle.
- Les échardes elles se sont envolées avec le vent, je voulais que ça soit doux et léger comme une plume, à l'intérieur.
tu lui souris de ce sourire délicat et tu fermes les yeux un instant, rien que pour entendre le silence se promener autour de vous.

tu la regardes comme on regarde un trésor, avec les yeux grands ouverts et tes bras prêts à la protéger. sa peau tachetée ressemble au ciel étoilé, elle aussi elle est faite de mille paillettes, dispersées de part et d'autre au creux de ses traits. c'est la lueur des nuits, la luciole dans l'obscurité.
- C'est pas si difficile. Il faut avoir les doigts longs, que tu lui dis en touchant ses mains, et puis aussi des rêves tout là-haut, et là tu touches sa tête.
C'est vrai, toi t'es pas si fort, t'es pas si grand, mais tu rêves, tu rêves trop loin, trop haut, tu exploses parfois quand tu penses trop.
- La prochaine fois, on la fera tous les deux, et même que de tout là-haut on pourra voir plus loin que la ville.

- Tu crois qu'il y a quoi, après la ville ? C'est comment là-bas ?
toi aussi tu t'étais posé ces questions. toi aussi t'avais osé imaginé ce qu'il y avait derrière ces barrières. alors, tu l'avais fait. t'avais attendu le lever du soleil, les premiers chants des oiseaux, et t'étais parti, seul avec tes rêves dans ton sac à dos, et t'avais marché, marché, encore et encore. tu t'étais usé, tu t'étais déchiré, tes pieds s'étaient abîmés, mais t'avais vu. t'avais vu ce qu'il y a au-delà de ces forets, au-delà de ces jardins et de ces routes, et alors à ce moment là la vie t'avait semblé belle. juste belle, sans artifices. comme si t'avais vu le monde alors que ce n'était juste qu'une parcelle de l'Univers qui s'offrait à toi.
- Il y a un tas de choses à voir, et même nos vies assemblées ne suffisent pas pour voir tout ce qu'il y a à voir. Tu crois qu'on y fera un bout de chemin ensemble, un jour?

ses yeux ils grandissent et puis ils se mettent à briller quand elle prononce le mot magique.
L'océan.
toi l'océan mer, tu l'as vu du bout de tes pupilles, mais il était trop loin pour que tu puisses y toucher, pour que tu puisses y baigner ton corps et sentir les vagues onduler sur ta peau.
tu t'infiltres dans ses pensées à elle, et tu y vois du rêve, tu y vois un radeau flottant sur les douceurs du grand bleu, tu y vois le sable venir chatouiller vos doigts et le soleil brûler vos rétines.
- Pour sûr qu'on ira là-bas.